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Réparer la barrière cutanée dans la gestion de la dermatite atopique

Reza Alizadehfar, MD, FRCPC

Division d’immunologie clinique et d’allergologie, Université McGill, Montréal, Québec, Canada
Hôpital de Montréal pour Enfants, Montréal, Québec, Canada

Mise en contexte

Le terme «atopique» a été inventé par Cooke et Coca en 1923. Il vient du mot grec atopos qui signifie déplacé et dénote une réaction immunitaire qui est «insolite ou bizarre». La dermatite atopique (DA) est une éruption inflammatoire chronique, récurrente, et souvent symétrique, caractérisée par du prurit et de la xérose (peau sèche). La DA apparaît souvent dans les premiers mois de la vie, mais sa prévalence diminue avec l’âge. On estime qu’elle touche 15 % des enfants dans le monde entier1, et elle peut persister jusque dans l’âge adulte. Cette pathologie a probablement pour cause l’interaction de facteurs génétiques et environnementaux.

Les facteurs génétiques dans la dermatite atopique

  • Une forte participation génétique dans la DA a été clairement établie.
  • Des études d’analyse des liaisons et l’examen des polymorphismes dans les gènes d’un certain nombre de candidats ont identifié plusieurs locus chromosomiques et gènes potentiels comme facteurs de sensibilité possibles.
  • On postule que les variants génétiques dans ces locus et gènes sont impliqués dans :
    • la production d’anticorps immunoglobulines E (IgE)
    • la régulation de la réponse immunitaire dans la peau et les muqueuses
    • le dérèglement de la barrière épidermique, en passant par la modulation de la maturation épidermique.

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Les facteurs environnementaux dans la dermatite atopique

  • Cependant, les facteurs génétiques seuls n’arrivent pas à expliquer les résultats d’études épidémiologiques indiquant la récente augmentation considérable de la prévalence de la dermatite atopique, particulièrement dans les pays industrialisés.
  • Ainsi, on a suggéré que les facteurs environnementaux jouaient un rôle clé de médiation dans l’expression de la maladie.
  • Chez certains patients, la sensibilisation aux acariens de la poussière et à certains aliments peut jouer un important rôle étiologique.
  • Par contre, des facteurs non allergènes peuvent aussi contribuer à la pathologie de la DA en influençant la dysrégulation, ce qui débouchera sur la perturbation de la barrière cutanée. Ces facteurs sont :
    • un faible taux d’humidité environnementale
    • une colonisation par Staphylococcus aureus (S. aureus)
    • une exposition ou un manque d’exposition dans la petite enfance à certains facteurs microbiens
    • une exposition à des polluants, des détergents et autres irritants
    • une chaleur excessive.

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La perturbation de la barrière cutanée

  • L’épiderme de la peau fonctionne non seulement comme une barrière physique et anatomique mais elle est également un vaste organe immunologique.
  • Cette barrière protège constamment contre la pénétration de divers microbes, allergènes et irritants.
  • On a trouvé que dans la DA, une barrière cutanée dysfonctionnelle provoque une augmentation de la perte hydrique transépidermique, entraînant une déshydratation cutanée importante.
  • Une barrière ainsi endommagée peut laisser pénétrer dans la peau les allergènes, les microbes et les irritants et déclencher la réaction pro-inflammatoire qui typiquement caractérise la DA.
  • L’étendue du dysfonctionnement de la barrière et le degré d’inflammation dans les lésions de la DA sont en rapport étroit2.
  • On a comparé la couche cornée de la peau à un mur de briques, composé de kératinocytes différenciés terminaux (les briques) entourés d’une matrice de lipides spécialisés.
    • Les principaux lipides de la couche cornée sont :
      • les céramides (50 % de la masse)
      • le cholestérol (25 % de la masse)
      • les acides gras (10 à 20 % de la masse).
    • Ces éléments créent une barrière qui aide à :
      • garder l’eau à l’intérieur du corps
      • empêcher la pénétration des pathogènes et des allergènes.
  • On a démontré que les patients qui souffrent de DA ont des taux réduits de lipides dans la couche cornée (par exemple, de céramides3,4).
  • Ce défaut de la barrière affecte non seulement la peau touchée mais aussi celle qui ne l’est pas, et cela est en rapport avec une diminution de la fraction des céramides dans la couche cornée.
  • Des anomalies génétiques dans l’expression de l’inhibiteur de la protéase et des taux réduits de protéines dans l’enveloppe kératinisée, comme la filaggrine5, avivent le délabrement cutané rencontré dans les affections eczémateuses.
  • Le stress peut aussi aggraver cette dysfonction de la barrière en produisant des glucostéroïdes endogènes qui freinent la synthèse des lipides épidermiques.
  • Finalement, les démangeaisons intenses et les grattements considérables qui accompagnent la DA peuvent aussi constituer un facteur important qui mène à la perturbation de la barrière cutanée.

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Options pour la gestion

Il existe, selon la gravité de la maladie, un éventail de traitements pour la dermatite atopique. Une gestion réussie qui a pour but la diminution des poussées rebonds exige l’association d’un traitement médical, d’une thérapie non pharmacologique et d’une modification du style de vie.

Les corticostéroïdes topiques

  • Depuis plusieurs décennies, les corticostéroïdes topiques sont la pierre angulaire du traitement des poussées rebonds de DA.
  • Un certain nombre de produits sont disponibles dans divers véhicules, forces et concentrations.
  • Les produits à dose faible devraient être utilisés chez les bébés et sur les zones de la peau sensibles (comme le visage, le cou, l’aine et les aisselles) afin de diminuer le plus possible les effets indésirables tels que l’atrophie cutanée, l’acné et des effets secondaires systémiques.
  • Les corticostéroïdes topiques devraient être utilisés pour la plus courte durée de temps et dans la dose la plus faible possible, tout en permettant la maîtrise des poussées rebonds, afin de réduire au minimum les effets indésirables.
  • Inversement, les patients mal informés et/ou les parents qui ont la phobie des stéroïdes devraient savoir que le refus d’un traitement approprié affectera le bien-être de leur enfant et prolongera inutilement la durée de cette maladie parfois débilitante.

Les inhibiteurs de la calcineurine topiques (ICT)

  • Les ICT conviennent à la gestion de la :
    • DA légère à modérée (pimécrolimus)
    • DA modérée à sévère (tacrolimus)
  • Les ITC inhibent l’activation cellulaire et la libération des cytokines impliquées dans la cascade pro-inflammatoire de la DA.
  • Leurs effets secondaires comprennent une irritation cutanée et une sensation de brûlure en début de thérapie, mais qui généralement se calment avec le temps.
  • L’innocuité de leur usage prolongé n’est pas connue, et quelques rares observations de tumeurs malignes ont fait surface6,7; cependant, on ne possède pas d’évidence d’un taux accru de lymphomes si on le compare à celui de la population en général8.
  • Les ITC sont généralement utilisés pour les patients qui ne répondent pas ou qui souffrent d’effets secondaires inacceptables avec la thérapie classique6,7.

Les antihistaminiques oraux

  • Il existe une absence de preuve pour soutenir l’usage d’antihistaminiques sédatifs et non sédatifs pour le traitement de la dermatite atopique.
  • La première génération d’antihistaminiques (diphenhydramine et hydroxyzine) est parfois recommandée le soir, pour ses effets sédatifs.

Les agents antimicrobiens

  • Une surinfection secondaire avec S. aureus est courante et on la traite avec une courte cure d’antibiotiques qui ont un spectre d’action anti-staphylocoques.
  • Pour ceux qui sont colonisés de façon chronique, certains experts ont recommandé des bains antiseptiques.

Les émollients

  • La thérapie avec émollients maintient les taux d’hydratation et les défenses de la barrière cutanée, ce qui diminue la fréquence et la gravité des poussées rebonds de la DA.
  • Les émollients adoucissent et calment la peau.
  • Les émollients les plus courants comprennent la vaseline, les huiles animales, le beurre de cacao, la lanoline, les lipides, l’huile minérale et le beurre de karatité.
  • On n’a pas de fortes preuves que les émollients améliorent directement la DA.
  • Cependant, on recommande largement les émollients parce qu’ils améliorent l’apparence et les symptômes de la peau sèche qui est couramment présente dans la DA9.
  • Des études ont démontré que les émollients peuvent diminuer le besoin de stéroïdes topiques et augmenter la réponse thérapeutique lors de leur usage10,11.
  • Étant donné l’absence d’études concluantes démontrant la supériorité d’un émollient sur un autre, leur emploi sera dicté par les préférences du patient.

Les crèmes réparatrices de la barrière cutanée

  • Étant donné l’importance du dérèglement de la fonction barrière dans la DA, l’usage d’agents topiques visant à accélérer son amélioration représente une nouvelle approche thérapeutique.
  • Bien que très importants pour le soulagement des symptômes de la DA, les émollients peuvent rester insuffisants pour la correction de la perte hydrique transépidermique et la carence en céramides qui résultent de la barrière cutanée déficitaire des patients souffrant de DA.
  • L’efficacité et la tolérance des nouvelles crèmes réparatrices de la barrière cutanée à base de céramides ayant un rapport plus physiologique 3 : 1 : 1 : de céramides, acides gras libres et cholestérol, ont été étudiées dans deux essais cliniques organisés par des compagnies12,13.
    • Dans une étude pédiatrique multicentrique, randomisée à l’insu des investigateurs, utilisant une crème réparatrice de la barrière cutanée à dominante de céramide (EpiCeram®), une efficacité similaire a été démontrée lorsque comparée avec le propionate de fluticasone à 0,05 %, un stéroïde à puissance modérée12. Aucun événement indésirable n’a été observé dans aucun des groupes de sujets. Cependant, 4 patients sur les 59 dans le groupe barrière ont expérimenté une poussée rebond qui a exigé l’usage court d’une crème de fluticasone.
    • EpiCeram®, une crème réparatrice de la barrière cutanée sans corticostéroïdes, à base de lipides, a été approuvé par Santé Canada en septembre 2009 comme un dispositif de classe II et n’est disponible que sur prescription.
    • Une mince couche est appliquée sur la région affectée deux fois par jour ou comme nécessaire en massant légèrement dans la peau. Suite à l’application, une sensation de picotement passagère peut persister pendant 10 à 15 minutes.
  • Des études sur l’usage coexistant à la fois de stéroïdes topiques et de crèmes réparatrices de la barrière cutanée ne sont pas encore disponibles.

Facteurs non pharmacologiques et modification du style de vie

  • Les poussées rebonds de DA peuvent être diminuées par :
    • le port de vêtements en coton doux
    • le lavage du linge avec des détergents doux
    • l’élimination d’un assouplissant dans la lessive
    • le contrôle de la température et de l’humidité ambiantes à la maison
    • la mise en place de mesures pour diminuer l’exposition aux acariens de la poussière chez les individus sensibilisés
    • l’élimination d’aliments spécifiques pour les individus sensibilisés, mais c’est une mesure plus rare. Si l’on soupçonne un aliment déclenchant, il peut être utile de consulter un allergologue.
  • Il est important d’insister sur l’inutilité d’instaurer des régimes très restrictifs, ceux-ci pouvant avoir un sérieux impact psychologique et mener à la malnutrition.
  • Les programmes éducatifs produisent chez ceux qui les suivent d’importantes améliorations de la gravité de la DA et de la satisfaction du traitement, comparés aux groupes de contrôle14.

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Conclusion

Étant donné la meilleure appréciation du rôle de la barrière cutanée dans la pathogenèse de la DA, l’usage d’agents qui peuvent stabiliser les défenses épidermiques pourrait diminuer la dépendance exclusive actuelle sur les stéroïdes topiques et les immunorégulateurs. Ces crèmes réparatrices de la barrière cutanée ne visent pas l’inflammation directement, mais elles agissent plutôt à un stade plus précoce du processus pathologique afin de normaliser la fonction barrière et réduire les signaux pro-inflammatoires. Cette approche pourrait éventuellement produire de meilleurs résultats du traitement avec moins d’effets indésirables.

Références

  1. Williams H. et coll., J Allergy Clin Immunol 103 (1 Pt 1) : 125-138 (janvier 1999).
  2. Lebwohl M. et coll., Cutis 76 (6 Suppl)7-12 (décembre 2005).
  3. Imokawa G., J Am Acad Dermatol 45 (1 Suppl) : S29-32 (juillet 2001).
  4. Pilgram G. S. et coll., J Invest Dermatol 117 (3)710-717 (septembre 2001).
  5. Palmer C. N. et coll., Nat Genet 38 (4)441-446 (avril 2006).
  6. US FDA Alert for Healthcare Professionals: Pimécrolimus. Disponible à: http://www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/PostmarketDrugSafetyInformationforPatientsandProviders/ucm126497.htm. Accédé la dernière fois : le 2 août 2010.
  7. US FDA Information for Healthcare Professionals: Tacrolimus. Disponible à: http://www.fda.gov/Drugs/DrugSafety/PostmarketDrugSafetyInformationforPatientsandProviders/ucm126497.htm. Accédé la dernière fois: le 2 août 2010.
  8. Association canadienne de dermatologie : Énoncé de principe sur les inhibiteurs topiques de la calcineurine. Disponible à : http://www.dermatology.ca/media/position statement/position topical calcineurin inhibitors.html. Accédé la dernière fois : le 12 septembre 2010.
  9. Hanifin J.M. et coll., J Am Acad Dermatol 50 (3) : 391-404 (mars 2004).
  10. Lucky A.W. et coll., Pediatr Dermatol 14 (4) : 321-324 (juillet-août 1997).
  11. Kantor I. et coll., Today Ther Trends 11 : 157-66 (1993).
  12. Chamlin S.L. et coll., J Am Acad Dermatol 47 (2) : 198-208 (août 2002).
  13. Sugarman J. L. et coll., J Drugs Dermatol 8 (12)1106-11 (décembre 2009).
  14. Staab D. et coll., Pediatr Allergy Immunol 13 (2)84-90 (avril 2002).

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