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Les crèmes hydratantes : un élément essentiel dans la gestion de l'eczéma

J. N. Kraft, HBSc, MD1; C. B. Lynde, HBSc, LLB2; C. W. Lynde, MD, FRCPC1,3
1. Division de dermatologie, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
2. Faculté de médecine, Université de Toronto, Toronto, Ontario, Canada
3. Université Health Network (Division de l’ouest), Toronto, Ontario, Canada

Introduction

La dermatite atopique ou eczéma atopique est une forme d’inflammation cutanée chronique et récurrente qui est imputable à de multiples facteurs pathogènes, génétiques et environnementaux ainsi qu’à une barrière épidermique dysfonctionnelle. Les réponses immunes qui sont en jeu dans la dermatite atopique se traduisent par une peau sèche, du prurit et une sensibilisation à médiation IgE aux aliments et aux allergènes environnementaux1. Une meilleure compréhension des défenses cruciales de la barrière cutanée et de la cascade inflammatoire qui sous-tend la maladie a conduit les cliniciens à réévaluer les approches conventionnelles du traitement et à reconnaître le potentiel thérapeutique des émollients. Ainsi, les crèmes hydratantes et les produits nettoyants à base d’émollients sont devenus des adjuvants essentiels pour une prise en charge réussie de la dermatite atopique.

Mise en contexte

La dermatite atopique est très courante.
  • On estime que sa prévalence est de 15 à 30 % chez les enfants et de 2 à 10 % chez les adultes2.
  • Chez 85 % des enfants souffrant de dermatite atopique, le déclenchement de la maladie survient avant l’âge de 5 ans3.
  • Jusqu’à 70 % des enfants connaissent une rémission spontanée avant l’adolescence4.
La dermatite atopique est associée à une diminution marquée de la fonction de la barrière cutanée due à des facteurs endogènes.
  • De plus en plus, l’évidence implique qu’une des principales causes de la dermatite atopique est un défaut génétique de l’épiderme qui permet l’infiltration des allergènes, des irritants environnementaux et des microbes, ce qui provoque ainsi des réponses inflammatoires5.
  • Une barrière cutanée défectueuse empêche la formation dans l’épiderme des niveaux de peptides antimicrobiens adéquats pour le protéger des agents infectieux comme le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus).

Le rôle des crèmes hydratantes dans la gestion optimale de la dermatite atopique

La peau sèche est une caractéristique constante de la dermatite atopique, et elle résulte d’une combinaison de mécanismes pathologiques intrinsèques et d’une hyperréactivité à des facteurs exogènes. Certains traitements pour la dermatite atopique peuvent aggraver la xérose, le prurit et l’irritation. De telles insultes extérieures sur une barrière cutanée déjà compromise entraînent le cycle de la peau sèche et laissent la peau vulnérable aux infections microbiennes. C’est pour ces raisons que maintenir l’hydratation et rétablir les défenses de la barrière épidermique sont à la base de la logique qui sous-tend la thérapie par les crèmes hydratantes.

Que sont les crèmes hydratantes?

  • Les crèmes hydratantes sont composées d’un ensemble d’ingrédients clé qui sont classés en émollients, humectants et occlusifs travaillant en synergie pour améliorer l’hydratation et la fonction barrière de la peau.
  • Une étude contrôlée randomisée a révélé que les formulations bien conçues qui incorporent ces composants peuvent améliorer la fonction de la barrière épidermique et augmenter les niveaux d’hydratation dans la peau; cependant, les effets seront déterminés par la composition du produit particulier6,7.

Les crèmes hydratantes, comment agissent-elles?

  • Le mécanisme d’action des émollients repose sur leur rôle de substitution par leurs ingrédients lipidiques qui remplissent les fonctions des lipides naturels de la peau qui sont absents ou compromis dans la peau eczémateuse.
  • Un traitement de la peau avec des crèmes hydratantes peut réparer la barrière cutanée, augmenter son contenu en eau, diminuer la perte hydrique transépidermique et redonner aux barrières lipidiques leur capacité d’attirer, de retenir et de redistribuer l’eau.
    • Un usage prophylactique et fréquent favorise un maximum d’effets.
    • Les crèmes hydratantes conservent l’hydratation en ralentissant la perte hydrique transépidermique. Ce faisant, elles aident la peau sèche ou vieillissante à améliorer son intégrité structurale, son apparence et ses propriétés tactiles.
  • En remplissant les petites fissures dans la peau et en offrant un film occlusif sur la couche cornée, les crèmes hydratantes rétablissent la barrière épidermique et amoindrissent la capacité de pénétration des allergènes et des irritants.

Les crèmes hydratantes font preuve de propriétés adjuvantes

  • L’usage discipliné d’émollients est devenu une thérapie adjuvante régulière dans la dermatite atopique en servant de base aux mesures pharmacologiques, en entraînant une réduction du besoin en corticostéroïdes topiques et les inhibiteurs de la calcineurine, et en atténuant les effets secondaires des médicaments.
  • Pendant les crises, les préparations en vente libre qui associent une crème hydratante à un corticostéroïde topique (par exemple : clobétasone et hydrocortisone) sont utiles pour contrôler l’inflammation et rétablir la barrière cutanée.

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Les composants essentiels des crèmes hydratantes efficaces

Les émollients

  • Les émollients sont principalement des lipides et des huiles qui hydratent et améliorent l’apparence de la peau en lui conférant de la douceur, un aspect lisse et une meilleure flexibilité (tableau 1).
    • Le pouvoir lubrifiant de certaines crèmes hydratantes peut influencer la satisfaction et la préférence du consommateur.
  • La couche cornée des patients souffrant de dermatite atopique a des niveaux très réduits de céramides (des molécules lipidiques), qui sont d’importants composants de la structure cutanée.
  • Le remplacement topique des lipides permet de remplir les crevasses entre les lamelles de cornéocytes qui desquament.

Les humectants

  • Les humectants attirent et retiennent l’hydratation dans la peau en augmentant l’absorption hydrique du derme vers l’épiderme ou en absorbant l’eau de l’environnement externe (tableau 2).
  • De nombreux humectants ont aussi des propriétés émollientes7.
  • L’humectant le plus efficace est la molécule trihydroxyle ou glycérine, aussi couramment appelée glycérol.
    • La glycérine est l’humectant le plus largement utilisé.
    • Une étude à double insu qui comparait la glycérine à l’urée a démontré que, bien que les deux composés aient la même efficacité dans le traitement de la xérose, la glycérine entraînait beaucoup moins de réactions cutanées défavorables8.
  • L’urée est un autre humectant couramment utilisé et qui est efficace contre la perte hydrique transépidermique.
    • Il faut éviter l’usage de crèmes hydratantes comportant de l’urée chez les jeunes enfants en raison de l’irritation.

Les occlusifs

  • Les occlusifs diminuent la perte hydrique transépidermique en créant une barrière hydrophobique sur la peau et en contribuant à la matrice entre les cornéocytes (tableau 3).
  • L’efficacité est améliorée quand les occlusifs sont appliqués sur une peau légèrement humectée.
  • Leurs principales limites comprennent leur odeur, leur potentiel allergène et un toucher «gras».
  • La vaseline, à une concentration de 5 % au minimum, est l’occlusif le plus efficace, suivi de la lanoline, de l’huile minérale et des silicones.
  • Les dérivés à base de silicones (par exemple : diméthicone) sont des solutions sans gras, non comédogènes, non irritantes, non sensibilisantes et plus acceptables sur le plan cosmétique.
Genres d’émollients Exemples
Émollients astringents Cyclométhicone, diméthicone, myristate d’isopropyle, octanate octylique
Émollients secs Oléate décylique, palmitate d’isopropyle, alcool stéarique
Émollients gras Huile de ricin, stéarate de glycéryle, huile de jojoba, stéarate octylique, propylène-glycol
Émollients protecteurs Diisopropyle dilinoléate, isostéarate d’isopropyle
Régénérateurs protéiques Collagène, élastine, kératine
Tableau 1. Substances courantes ayant des propriétés émollientes


  • Gélatine
  • Glycérine
  • Miel
  • Acide hyaluronique
  • Panthénol
  • Propylène-glycol
  • Lactate de sodium
  • Lactate d'ammonium
  • Acide pyrrolidone de sodium (PCA)
  • Sorbitol
  • Urée
Tableau 2. Substances courantes ayant des propriétés humectantes
Genres d’occlusifs Exemples
Acides gras Acide de lanoline, acide stéarique
Alcools gras Alcool cétylique, alcool de lanoline, alcool stéarique
Huiles hydrocarbures/cires Triglycéride caprylique/caprique, huile minérale, paraffine, cire de paraffine, dérivés de la silicone (cyclométhicone, diméthicone), squalène
Phospholipides Lécithine
Polyols Propylène-glycol
Stérols Cholestérol
Cires végétales Candélilla, carnauba
Esters de cire Cire d’abeille, lanoline, stéarate de stéaryle
Tableau 3. Substances courantes ayant des propriétés occlusives

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Recommandations d’emploi

Les règles suivantes adaptées à l’emploi des crèmes hydratantes dans la dermatite atopique, mises au point par le National Institute for Health and Clinical Excellence9, forment la base des conseils pratiques pour les patients et leurs dispensateurs des soins.

  • Les patients devraient se faire offrir un choix d’émollients non parfumés :
    • adaptés à leurs besoins et préférences individuels;
    • pour une hydratation quotidienne, mais aussi des formulations pour le lavage et le bain enrichies en émollients.
  • Les crèmes hydratantes devraient être :
    • utilisées plus souvent et en plus grande quantité que les autres traitements;
    • utilisées même quand la dermatite atopique est guérie;
    • utilisées en même temps que les autres traitements;
    • offertes en un produit unique ou en association (offrir des choix si une formulation entraîne de l’irritation ou ne rencontre pas la faveur du patient);
    • faciles à appliquer tout au long de la journée.
  • Recommander des crèmes hydratantes à laisser en place en grandes quantités.
  • Instruire les patients ou leurs parents sur ce qu’est une application suffisante et adéquate.
  • Lorsque de multiples produits topiques sont employés en même temps, instruire le patient sur leur application un à la fois, tout en permettant que plusieurs minutes s’écoulent entre les applications.
  • Penser à augmenter l’usage des émollients si les patients se plaignent d’avoir des difficultés à contrôler les démangeaisons.

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Les nettoyants doux pour la peau

L’usage régulier des nettoyants doux est un aspect important de la gestion optimale de la dermatite atopique. Se laver fait partie d’une hygiène de base mais cela élimine aussi la saleté, la sueur, les bactéries et les cellules exfoliées, ce qui prépare la peau à recevoir les traitements topiques et améliore l’absorption des médicaments.

  • Les lésions de la dermatite atopique sont couramment colonisées par S.aureus. Un lavage de routine peut augmenter l’activité antimicrobienne contre S.aureus et diminuer les chances d’infection.
  • Il faut veiller à minimiser l’affaiblissement de la barrière de la couche cornée au cours du lavage. L’emploi de mauvaises techniques et d’agents nettoyants qui ne conviennent pas sur le visage ou sur le corps peut déclencher des flambées de dermatite atopique ou l’aggraver.
    • L’usage de détergents anioniques (par exemple : savons) peut altérer le pH de la peau et conduire à une plus grande sensibilité aux irritants et aux conditions qui favorisent la prolifération bactérienne10.
    • Tout en éliminant l’excès de sébum, les nettoyants peuvent aussi endommager les lipides intercellulaires, ce qui peut conduire à un plus grand affaiblissement de la fonction barrière et assécher la peau.
  • Les nettoyants qui conviennent aux peaux eczémateuses sont généralement à base de surfactants synthétiques doux qui ont un impact minime sur la barrière cutanée.
    • Les agents non ioniques qui agissent en surface (par exemple : le silicone et le polysorbate) ont tendance à causer moins d’irritation et ont un pH compatible avec celui de la peau.
    • Les surfactants de silicone comme le diméthicone sont efficaces pour éliminer les débris en surface sans décaper complètement les huiles protectrices.
    • Les émollients présents dans les nettoyants peuvent réduire les atteintes à la barrière cutanée en émulsifiant la saleté et l’huile qui seront plus faciles à éliminer tout en remplaçant en même temps les lipides qui sont perdus au cours du lavage11.

Conseils supplémentaires pour les patients souffrant de dermatite atopique

Les pharmaciens peuvent jouer un rôle déterminant en donnant leur appui aux buts du traitement prescrit, en fournissant de l’information sur les effets secondaires possibles et en offrant des conseils pratiques sur des stratégies de gestion durable à long terme.

  • Enseigner aux patients comment appliquer une médication topique dès que les symptômes de la dermatite atopique apparaissent et quand arrêter le traitement médicamenté une fois que l’inflammation cutanée a disparu, afin de diminuer le plus possible les effets secondaires.
  • Expliquer que les effets secondaires délétères associés à l’usage des stéroïdes topiques ou des inhibiteurs de la calcineurine sont généralement consécutifs à un usage à long terme ou excessif, mais qu’un usage à court terme ou intermittent est sans danger et efficace.
  • Insister sur l’importance d’un traitement d’entretien de routine avec des crèmes hydratantes et des nettoyants doux sans parfum.

Se servir des quatre règles de la gestion de la dermatite atopique

La prise en charge idéale de la dermatite atopique doit inclure l’éducation du patient. On encourage les pharmaciens à donner une information écrite et verbale sur la dermatite atopique et ses traitements choisis, ainsi que des démonstrations pratiques de leur bonne administration. Se rappeler des quatre règles peut aider à simplifier l’approche multidimensionnelle de la gestion de l’eczéma.

Reconnaître

  • Reconnaître et diagnostiquer le problème rapidement afin que le traitement soit mis en place.
  • Les patients qui souffrent de dermatite atopique sont prédisposés à avoir d’autres problèmes atopiques comme l’asthme et la rhinite allergique1.
  • Encourager le patient à tenir un journal pour suivre à la trace les aliments, les flambées et l’usage des médicaments, des crèmes hydratantes et des nettoyants, ce qui peut orienter le processus décisionnel thérapeutique.

Retirer

  • L’éviction est une stratégie centrale à la gestion de la dermatite atopique. Identifier et éliminer les facteurs déclenchants pertinents (par exemple : irritants, pneumallergènes et aliments) et chercher des moyens de réduire le stress.
  • Les nettoyants doux peuvent aider à éliminer la saleté, les irritants et les microbes qui sont à la surface de la peau.
  • Penser aux tests d’allergies pour identifier les facteurs déclenchants.

Rétablir

  • L’usage strict des émollients peut réparer et rétablir partiellement la barrière cutanée et diminuer les infections et la réactivité allergique.
  • Les nettoyants corporels qui incorporent des surfactants non irritants, des émollients et des humectants peuvent réapprovisionner les lipides de la barrière cutanée pendant le lavage pour diminuer la perte hydrique transépidermique. Les bains tièdes (d’une durée de 5 à 10 minutes) sont préférables aux douches.
  • Les crèmes et les onguents sont plus efficaces pour une peau eczémateuse. Appliquer les crèmes hydratantes 3 à 5 minutes après le bain.

Régler

  • Quand une flambée survient, interrompre et régler les réponses inflammatoires avec un traitement immédiat dans le but de briser le cycle démangeaisons/grattages et limiter la gravité de la dermatite atopique.
  • Les stratégies thérapeutiques incluent les corticostéroïdes topiques, les inhibiteurs de la calcineurine, les antimicrobiens et les antihistaminiques oraux joints aux soins de la peau routiniers.
  • Chez les patients qui présentent une mauvaise réponse à la thérapie, évaluer l’observance au traitement, les effets secondaires, et examiner l’usage de la crème hydratante et du nettoyant.

Conclusion

Parce que la dermatite atopique est chronique et que de multiples facteurs contribuent à son étiologie, sa gestion réussie exige une approche multidimensionnelle qui inclut des modifications du style de vie, des adaptations aux pratiques des soins de la peau, et une intervention médicale. Bien que les corticostéroïdes topiques soient fermement établis en tant que pierre angulaire du traitement, leur usage à long terme et leur surdosage sont associés à une atrophie et des effets systémiques néfastes. L’association des crèmes hydratantes avec les corticostéroïdes topiques peut avoir un effet d’épargne important des stéroïdes, particulièrement chez les enfants qui ont une dermatite atopique légère à modérée. Une approche thérapeutique qui incorpore l’éducation du patient et une thérapie avec émollients peut compléter les mesures pharmacologiques pour prolonger les périodes de rémission et alléger considérablement le fardeau de la maladie.

Références

  1. Bieber T., N Engl J Med 358(14) : 1483-94 (3 avril 2008).
  2. Williams H., et al., J Allergy Clin Immunol 118(1)209-13 (juillet 2006).
  3. Beltrani V.S., et al., Dermatol Online J 9(2)1 (mars 2003).
  4. Illi S., et al., J Allergy Clin Immunol 113(5) : 925-31 (mai 2004).
  5. Kisich K.O., et al., J Allergy Clin Immunol 122(1)62-8 (juillet 2008).
  6. Buraczewska I., et al., Br J Dermatol 156(3)492-8 (mars 2007).
  7. Del RossJ.Q., Cosmeceutical moisturizers. In: Draelos Z.D., ed., Procedures in cosmetic dermatology series: cosmeceuticals. 1st ed. Philadelphia: Elsevier, p.97-102 (2005).
  8. Loden M., et al., Acta Derm Venereol 82(1) : 45-7 (2002).
  9. National Institute for Health and Clinical Excellence. Atopic eczema in children (décembre 2007). Disponible à: http//www.nice.org.uk/nicemedia/pdf/CG057QuickRefGuide.pdf. Accédé le 16 avril 2009.
  10. Draelos Z.D., Dermatol Clin 18(4) : 597-607 (octobre 2000).
  11. Cork M.J., J Dermatol Treat 8(Suppl 1)S7-13 (1997).

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